Bières du Québec : notre grande histoire d’amour avec le houblon
L’arrivée de la bière au Québec a coïncidé avec celle des premiers colons français, pour beaucoup originaires de régions comme la Picardie et la Haute-Normandie. Même si à l’époque, les habitants les moins nantis consommaient surtout au départ de la bière d’épinette, qui ne contenait pas de houblon, les premières bières ont été brassées par des congrégations religieuses dans les années 1620. Toutefois, en dehors d’un essai raté d’entreprise brassicole dans les années 1660 à Québec, et de l’existence de petits brasseurs professionnels à Québec, Trois-Rivières et Montréal, la bière n’était pas encore très présente dans les chaumières. Il a fallu attendre le Régime anglais pour qu’elle prenne son envol à travers la province.
En 1785, John Molson crée une brasserie devenue depuis une véritable institution de plus de 200 ans d’existence. Mais ce n’est qu’en 1952 qu’une seconde entreprise majeure, la Brasserie Labatt, auparavant basée en Ontario depuis le 19e siècle, s’est installée à LaSalle. Ces deux grands noms de la bière commerciale ont littéralement dominé sans partage le marché jusque dans les années 1980, où les premières microbrasseries québécoises ont vu le jour grâce à l’émission d’un nouveau type de permis autorisant un établissement à brasser de la bière de façon artisanale par la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec.
La toute première microbrasserie québécoise moderne à voir le jour a été celle de Massawipi, située à North Hatley, en 1982. Elle a été suivie, au fil des ans, par d’autres pionnières : la Brasserie le Lion D’Or, Le Cheval Blanc, GMT, McAuslan, les Brasseurs du Nord, Brasseurs de l’Anse, Schoune, Seigneuriale et Unibroue.
La suite de cette épopée est connue de tous. La création en 1990 de l’Association des microbrasseries du Québec (AMBQ), qui a assuré une cohésion et facilité la promotion des bières microbrassées locales, a été le point de départ d’un mouvement qui ne cesse de nous étonner par son dynamisme. Effectivement, en date du mois d’avril dernier, on recensait 276 entreprises brassicoles au Québec, dont 76 artisans brasseurs. Quant au nombre de bières qu’on leur doit, elles se comptent par milliers.
Lorsqu’on entre dans des boutiques spécialisées en produits locaux comme celles des Marchés publics de Montréal, on ne peut qu’être épaté par le choix impressionnant et coloré de bières qui nous y accueillent. « Je fais souvent un parallèle entre les bières et le vin au Québec, indique Jean-Benoit Collette, chef de Marque pour Brasseur de Montréal. Alors que nos parents buvaient une seule sorte de bière auparavant, comme on ne buvait que du vin blanc ou du vin rouge, maintenant, les gens ont des goûts plus précis, comme la IPA, par exemple, et aller explorer tout ce qui se fait en la matière, au même titre qu’ils le feraient avec un cépage pour le vin. »
Les Québécois se montrent donc curieux et ouverts dans leurs choix de bières. C’est d’ailleurs à ce chapitre que chaque microbrasserie peut faire ressortir sa personnalité et son terroir. Parce que même si la presque totalité des bières québécoises puisent leur inspiration dans les traditions brassicoles françaises, belges et britanniques, elles contiennent de plus en plus d’ingrédients locaux, tout comme les plats des restaurants et, oui, des foyers québécois, surtout depuis l’arrivée de la pandémie de Covid-19. On trouve ainsi de la bière à la salicorne, une herbe croquante des berges du St-Laurent, dans la Woopelaï de la Microbrasserie Tête d’allumette, basée dans le Bas-Saint-Laurent, tout comme de la bière aux camerises, ce petit fruit rouge et acidulé, produite par Menaud dans Charlevoix.
Par conséquent, même si on ne peut pas vraiment avancer qu’il existe un style de bière distinctif au Québec, on doit saluer la créativité et la couleur locale que plusieurs microbrasseries donnent à leurs créations. Une approche qui ravit d’ailleurs les consommateurs, semble-t-il. « Ils vont s’attacher aux marques de leur région qui leur tiennent à cœur, ou bien essayer des bières en série limitée nées de la collaboration de deux microbrasseries, dont une se situe dans leur coin », confirme M. Collette.
Mais est-ce que comme pour le vin, nos choix en matière de bière tiennent compte du design et du nom évocateur de certaines brassées? Absolument! « Le graphisme a une importance capitale dans le domaine des bières, explique l’expert. Chaque microbrasserie veut faire ressortir sa personnalité et se distinguer de ses concurrentes, très nombreuses, en jouant sur les couleurs, les dessins et les polices. Certaines d’entre elles n’hésitent pas à recourir à des artistes pour illustrer et promouvoir leurs produits. »
Même si le choix ne manque vraiment pas en termes de bières québécoises dans les boutiques, certaines tendances ressortent chaque année. Et celles de 2021 n’y fait pas exception ! Alors quelles sont-elles en ce moment ? Selon Benoit Collette, il y en a quatre principales.
Tout d’abord, impossible de manquer les hard seltzers, ces boissons comprenant de 4 % à 6 % d’alcool et sans houblon à la base. Certaines microbrasseries comme Oshlag ou Boréale en ont réalisé des variantes sous forme de bières. Second mouvement de fond : les bières Sour ou surettes, souvent associées à l’été avec leurs notes d’agrumes et de fruits rouges. Les IPA demeurent quant à elles les plus populaires du marché, avec plusieurs déclinaisons (New England IPA, Juicy IPA, DDH IPA) qui accentuent leur côté fruité. Mais la grande tendance de l’heure, dont la croissance est fulgurante avec 40% de ventes en plus au cours de la dernière année, ce sont les bières sans alcool. On en compte maintenant des centaines produites localement qui s’amusent à revisiter des classiques ou à en créer de nouveaux.
C’est justement à la frontière de toutes ces tendances que Brasseur de Montréal vient de créer trois bières aux couleurs des Marchés publics de Montréal. « Nous voulions des bières fruitées pour l’été et choisir des icônes de la métropole pour les illustrer. Et quand on pense fruits et fraîcheur, ce qui nous vient automatiquement en tête, ce sont les marchés publics ! », raconte l’expert. Nous sommes donc dès maintenant invités à découvrir la Atwater, une Ale aux notes de tangerine à 3,2% d’alcool, la Jean-Talon, une New England IPA toute en rondeur aux notes de pêches et à 6,2% d’alcool, ainsi que la Maisonneuve, une Juicy IPA à la mûre à 4,7% d’alcool. Une invitation tentante, n’est-ce pas? Alors, bonnes dégustations estivales – et québécoises, bien sûr – à toutes et à tous!
Retrouvez les bières à l’effigie des marchés à la Fromagerie Atwater au Marché Atwater ainsi que plusieurs bières de microbrasseries québécoises au Marché des Saveurs du Québec au Marché Jean-Talon et chez Aliments Merci au Marché Maisonneuve.
Bières de la microbrasserie Boréal que l’on retrouve au Marché des Saveurs du Québec au Marché Jean-Talon.
Un texte de Sophie Ginoux
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