Les Filles Fattoush : une mission sociale dans l’assiette
En 2017, Adelle Tarzibachi et Josette Gauthier fondent Les Filles Fattoush, un service de traiteur basé à Montréal, dont la mission est de contribuer à sortir les réfugiées syriennes de l’isolement en leur permettant de mettre à profit leur savoir-faire culinaire. Cinq ans plus tard, l’entreprise a bien grandi : elle a ajouté à son offre des plats prêts à manger distribués notamment à son kiosque estival du marché Jean-Talon, en plus de proposer une belle gamme d’épices et de condiments syriens. Mais la mission de départ, celle d’intégrer à la société de nouvelles arrivantes syriennes, un plat à la fois, n’a pas disparu pour autant.
En cuisinant les plats de leur pays d’origine avec d’autres femmes vivant la même situation qu’elles, les employées des Filles Fattoush ne trouvent pas qu’un gagne-pain. Elles se font aussi des amies, apprennent à parler français et partagent les saveurs de leur pays natal sur leur terre d’accueil.
Dans leur petite cuisine de production de Mont-Royal, qui sent incroyablement bon les épices et les falafels fraîchement sortis du four, les femmes embauchées par Les Filles Fattoush cuisinent tout elles-mêmes. Elles préparent des kebbes au bœuf, une grande quantité de leur célèbre mouhamara (tartinade de poivrons et de noix), de la salade itch (salade de boulgour) et d’autres délicieux petits plats syriens. En période estivale, le tout est livré – par un livreur syrien! – au kiosque du marché Jean-Talon.
Lorsqu’Adelle Tarzibachi arrive à son bureau, situé tout juste au-dessus de la cuisine de production, tôt dans l’avant-midi, elle est sollicitée de tous bords tous côtés. Son téléphone sonne sans cesse. Elle répond à tout le monde avec calme et assurance dans un mélange d’arabe, de français et d’anglais, réglant tous les petits dossiers un à la fois.
Parmi ceux-ci, un l’a tenue particulièrement occupée au printemps : les rénovations au stand du marché Jean-Talon. « Cette année, on a changé le look du kiosque; on l’a agrandi, explique Adelle Tarzibachi. On offre de nouveaux produits dans le garde-manger, dont une vinaigrette, des eaux florales et des sirops à boisson. On a aussi de la bouza, une crème glacée syrienne aux parfums typiques comme la pistache, la fleur d’oranger, la griotte ou la rose. »
Le petit espace du marché est pour elle une façon de connecter avec sa clientèle, de prendre le pouls de leurs envies du moment, d’échanger sur la culture culinaire syrienne. C’est aussi une façon de replonger dans ses souvenirs d’enfance, souligne l’entrepreneuse originaire d’Alep.
« Ça me ramène dans les ruelles de mon pays natal, où les petits producteurs tiennent leur kiosque de fromages, de fleurs, d’agrumes ou de feuilles de vigne, raconte-t-elle. Il y a de la vie dans un marché, contrairement à l’épicerie. Tu entends les gens parler, il y a des enfants qui courent partout. » C’est un lieu où on prend son temps, on flâne, on fouine.
Peu de gens d’origine syrienne viennent à son kiosque. La clientèle régulière est majoritairement québécoise et est en quête de découvertes culinaires. Adelle Tarzibachi en parle avec beaucoup de fierté : « Ils vont acheter des produits qu’ils ne connaissent pas, qu’ils ne sont même pas sûrs d’aimer, simplement pour goûter et découvrir quelque chose de nouveau. Et ça, c’est très noble de leur part. » Le meilleur vendeur est sans contredit la mouhamara.
C’est aussi que les Québécois se reconnaissent dans la cuisine syrienne, qui en est une de partage. « On met tous les plats au centre de la table, on goûte à tout », explique-t-elle. On passe du temps assis.
Trois mots pour décrire le marché Jean-Talon : Authenticité, fraîcheur et conserves. C’est l’endroit idéal pour faire des provisions de produits frais à mettre en conserve pour l’hiver!
Ce que vous achetez toujours au marché : Des bouquets de fleurs. Ils restent beaux si longtemps. Mon dernier bouquet a duré au moins 14 jours! La fraîcheur est partout au marché, même chez le fleuriste.
Un plat québécois que vous aimez particulièrement : J’adore le homard! Quand il est en saison, je m’offre souvent des guédilles au homard. En manger une, ça me transporte toujours en voyage, ça me rappelle la Gaspésie!
Ensemble, on échange, on discute, on mange. Il n’y a rien comme un bon repas pour tisser des liens, que ce soit chez les Québécois ou les Syriens!
Les Filles Fattoush sont maintenant Lauréates du prix Entreprise ou initiative de l’année des Lauriers de la Gastronomie 2022!
VOIR TOUS LES PORTRAITS DE FAMILLE
Texte de Virginie Landry, magazine Caribou
Photos de la cuisine des Filles Fattoush par Maude Chauvin et photo du kiosque au Marché Jean-Talon par Dominique Viau, Bodoüm Photographie
La grande famille des Marchés publics de Montréal est forte des producteurs, des marchands et des artisans qui la composent. Depuis des années et des générations, ils se lèvent tôt, expérimentent, ratent parfois, recommencent tout le temps, veillent, récoltent et réussissent ! Jour après jour, ils se tiennent fièrement debout derrière leurs étals comme au bout d’une table où ils nous invitent à manger. Ils sont le cœur et l’âme d’un marché, l’essence de sa personnalité, la raison pour laquelle on a envie d’y retourner. La série Portrait de famille tient à rendre hommage et à raconter l’histoire de ces piliers de nos Marchés publics.
Ce projet a été financé par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation dans le cadre du Programme d’appui au développement de l’agriculture et de l’agroalimentaire en région.
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