Une matinée avec Philippe Labelle-Picard à la cabane Au Pied de Cochon
Les restaurateurs comme leurs fournisseurs ont eu la vie dure depuis presque un an. Heureusement, grâce à la mise en place de menus pour emporter, les cuisines ont pu continuer à produire et les chefs, à s’approvisionner auprès des producteurs et artisans.
C’est le cas de Philippe Labelle-Picard chef depuis la dernière année de la cabane à sucre Au Pied de Cochon et qui fréquente assidûment les Marchés publics de Montréal en quête des meilleurs produits du Québec. Des produits qui sont d’ailleurs la marque de commerce de l’iconique groupe Pied de Cochon et de son créateur Martin Picard, dont la présentation n’est plus à faire tant il s’est attiré d’éloges, nationales comme internationales, au fil des années.
Tout comme le restaurant éponyme de Montréal, considéré comme une des meilleures tables en Amérique du Nord, la Cabane Au pied de Cochon s’est avérée une précurseure, puisqu’elle a été la toute première à conjuguer concept de cabane à sucre et gastronomie ludique. Mêlant réinvention de classiques québécois et exploration gourmande d’autres cultures culinaires, la Cabane est un lieu très prisé par les foodies, qui s’y pressent d’ordinaire chaque printemps et chaque automne.
D’ailleurs, on y mitonne déjà de nombreux produits en vente sur le site Web du groupe : tartes et tourtière, cretons, bines au canard, menu complet et, bien sûr, une panoplie de produits à base d’érable (tarte, tire, beurre, fudge, lait concentré, alcools, etc.), l’ingrédient roi des cabanes à sucre et de Philippe Labelle-Picard, qui adore le travailler sous toutes ses formes.
Alors, à l’aube d’une nouvelle saison des sucres qui sera, tout comme en 2020, sans doute différente de celles que nous affectionnons, nous nous sommes entretenus avec ce chef passionné de produits frais des marchés publics.
Quel est votre rôle au sein de la Cabane Au Pied de Cochon ?
Je suis responsable de la cuisine. Je m’occupe de la planification des nouveaux menus, du développement de nouveaux produits, de la préparation des mets pour la boutique PDC. Je gère aussi l’équipe de cuisine, ce qui représente un défi en soi dans une industrie qui souffrait déjà avant la pandémie de pénurie de personnel. St-Benoît de Mirabel, ce n’est pas Montréal.
Deux employés sectionnent les parties du porc qui provient de l’élevage porcin de la cabane.
Comment se développent les nouvelles recettes au sein de la Cabane?
Tout est fait collégialement ici, sur la terre de la cabane comme en cuisine. Une idée de plat peut provenir d’une personne qui se cuisine quelque chose au bord d’un feu dehors, puis se rendre jusque sur le menu de la cabane. Si l’histoire derrière le plat est bonne et qu’il est bon, il contribuera au processus créatif. Cette approche découle de la vision de Martin et de ses goûts. On peut s’inspirer de ce qu’on voit à gauche et à droite, mais c’est lui qui va avoir le mot final. C’est lui la pierre angulaire du Pied de Cochon.
Est-ce que l’environnement de la cabane vous inspire pour créer ?
Oui, et c’est parfois beaucoup à gérer! Ici, on suit les deux périodes clés : la saison des sucres, et donc de l’érable, et la saison des pommes. Ces deux produits sont extraordinaires et on adore les intégrer partout. De plus, comme nous devons ajuster nos menus pour des milliers de convives, c’est tout un défi. On cuisine littéralement pour tout le Québec !
Philippe Labelle-Picard dans le verger à l’arrière de la Cabane d’à côté, le second restaurant sur la terre de la Cabane Au Pied de Cochon.
Le fait d’avoir grandi dans le milieu de la restauration contribue-t-il à votre passion pour la cuisine ?
Je ne savais pas au départ que je travaillerais dans ce milieu-là. Je suis allé étudier en gestion de commerce jusqu’à ce qu’au fil d’une discussion, Martin me fasse réaliser que j’avais peut-être fait un choix sans conviction. Il m’a dit : « Qu’est-ce que tu vas gérer ?», « Ça va être quoi ton commerce ?». J’étais bouche bée, je n’avais aucune réponse à lui donner. Ça m’a ouvert les yeux. J’ai finalement abandonné le cégep et je suis allé travailler en boulangerie à la Cabane. Et là, j’ai commencé à baigner dans le milieu qui me convenait. Ma passion pour ce métier s’est développée au fil de mon apprentissage sur place. Donc, au final, on peut effectivement dire que ma proximité avec ce milieu a contribué à ce que je fais aujourd’hui.
Comment faites-vous pour être toujours inspiré par les produits du terroir ?
On fait de la cuisine de saison et c’est ce qui nous inspire. On tente constamment de présenter les ingrédients aux gens d’une façon qu’ils connaissent moins et qui nous surprend nous-mêmes. Par exemple, le sirop d’érable est un ingrédient qui fait partie de notre héritage et que l’on peut utiliser autant dans des recettes salées que sucrées. On aime travailler avec ce qu’il y a autour de nous. Le matin, on passe par le Marché Jean-Talon et on demande aux marchands quels sont les légumes du moment. Nous sommes proches des producteurs et travaillons à partir de ce qu’ils ont en stock.
Quel est ton type de sirop préféré ?
Ça dépend de mon humeur. Si je fais des fèves au lard, j’ai besoin d’un sirop de fin de saison qui va bouillir plus longtemps. Il a une consistance différente et une amertume qui se marie bien avec la viande et les aromates des fèves au lard. Avec un sirop clair qui goûte le sucre à la crème, on peut faire quelque chose de simple qui nous permettra de vraiment savourer le produit, comme de la tire sur neige. Quant au meilleur sirop que j’aie jamais goûté, eh bien il s’agit de celui d’une cabane à sucre où l’acériculteur le cuisait sur un feu de bois. Il goûtait la fumée, le bois et la caramélisation, c’était fantastique !
Après les produits en épicerie, les livres de cuisine, les nombreux restaurants, l’émission de télé, etc. Quel est ton souhait pour le Pied de Cochon ?
J’ai envie que l’on continue à cuisiner avec le sirop d’érable, les pommes et les produits du terroir. Et j’aimerais qu’après la pandémie, on montre qu’au-delà des produits et des menus à emporter, la Cabane Au pied de cochon est avant tout un restaurant qui fait de beaux menus et qui dispose d’une équipe exceptionnelle qui travaille fort. Mon but, c’est de recommencer la restauration et de refaire venir les gens à Saint-Benoit-de-Mirabel.
Rendez-vous pris Philippe ! Et dans l’attente, nous pourrons commander les plats, menus et produits du groupe du Pied de Cochon, ainsi que ceux de toutes les cabanes à sucre participantes sur la plateforme Ma cabane à la maison. Et bien sûr, les acériculteurs qui proposent leurs merveilleux produits dans nos marchés publics montréalais !
Un texte de Sophie Ginoux du magazine Caribou – Photos de Vivien Goumand
La grande famille des Marchés publics de Montréal est forte des producteurs, des marchands et des artisans qui la composent. Depuis des années et des générations, ils se lèvent tôt, expérimentent, ratent parfois, recommencent tout le temps, veillent, récoltent et réussissent ! Jour après jour, ils se tiennent fièrement debout derrière leurs étals comme au bout d’une table où ils nous invitent à manger. Ils sont le cœur et l’âme d’un marché, l’essence de sa personnalité, la raison pour laquelle on a envie d’y retourner. La série Portrait de famille tient à rendre hommage et à raconter l’histoire de ces piliers de nos marchés publics.
Ce projet a été financé par l’entremise du Programme Proximité, mis en œuvre en vertu du Partenariat canadien pour l’agriculture, selon une entente conclue entre les gouvernements du Canada et du Québec.
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