Quand le Québec fait pousser la magie des Fêtes

sapins de noel Marché Jean-Talon
Martin Landry
Vie de marché

Le parfum des aiguilles fraîches, les branches qui s’ouvrent doucement dans le salon, la petite étoile tout en haut : pour beaucoup de familles, Noël commence vraiment quand le sapin entre dans la maison. Si aujourd’hui il semble indissociable du temps des Fêtes, le sapin de Noël est une tradition importée d’Europe au XIXe siècle et qui a trouvé, au Québec, un terreau fertile. 

À l’origine, ce sont surtout les communautés germaniques qui avaient coutume de décorer un arbre à Noël. La mode gagne ensuite l’Angleterre victorienne avec la reine Victoria et le prince Albert, puis traverse l’Atlantique. Au Québec, le sapin de Noël se démocratise au tournant du XXe siècle, d’abord dans les foyers plus aisés, ensuite dans presque toutes les maisons de la province. 

Très vite, cette coutume saisonnière a un effet inattendu : elle crée une économie du sapin naturel. Les premières coupes sont souvent artisanales, un père qui part chercher un conifère en forêt, une ferme qui arrondit ses revenus en vendant quelques arbres, mais, dès les années 1930, certaines familles en font une spécialité. Aujourd’hui, on compte des centaines de producteurs à travers le Québec, dont plusieurs perpétuent un savoir-faire familial depuis trois ou quatre générations.

Au Marché Jean-Talon, par exemple, la famille Filion fait partie de ces visages incontournables de décembre. C’est en 1978 que Lionel Filion commence à vendre des sapins de Noël soigneusement taillés au marché. Derrière chaque arbre vendu, il y a des mois de préparation, parce qu’un sapin de Noël met souvent entre 8 et 10 ans à atteindre la taille souhaitée. 

Mais l’histoire du sapin québécois ne s’arrête pas aux frontières du Québec. Grâce à la qualité exceptionnelle de nos conifères, notamment les sapins baumiers et les sapins Fraser, la province est devenue un exportateur de choix pour les Américains. Pendant plusieurs années, un marchand des Marchés publics de Montréal, François alias le «Treeman», a même eu comme clientèle la ville de New York. Chaque décembre, des cargaisons entières de sapins québécois partaient orner les salons de Manhattan et de Brooklyn. C’est dire si notre forêt s’invite jusque dans l’imaginaire de Noël américain. 

Aujourd’hui encore, plusieurs producteurs expédient leurs arbres aux États-Unis, et certains se spécialisent dans les marchés de prestige. Au fil du temps, le Québec est devenu le plus important vendeur de sapins au pays. 

Au fond, chaque sapin de Noël québécois raconte un peu la même histoire : celle d’une tradition venue d’ailleurs, adoptée par nos familles et devenue une petite fierté locale. Qu’il soit acheté dans un des Marchés publics de Montréal, cueilli dans un champ familial ou expédié vers une grande ville américaine, le sapin garde sa magie. C’est un souvenir partagé, génération après génération, qui sent bon la résine et rassemble petits et grands autour de la promesse des Fêtes.

Un texte de Martin Landry, historien