Les cultures fruitières émergentes au Québec
par Albert Mondor, horticulteur et biologiste
De nouvelles cultures gagnent en popularité actuellement, particulièrement auprès des jeunes agricultrices et agriculteurs urbains. On compte parmi les cultures émergentes certains arbustes fruitiers méconnus, les noix et noisettes, les produits forestiers non ligneux et les cultures énergétiques. Voici donc la description de quelques arbustes fruitiers, certainement les plus prometteurs parmi ces cultures dites émergentes.
Originaire des régions tempérées d’Asie et d’Europe, l’argousier est un petit arbre très robuste, qui prend aussi parfois la forme d’un gros arbuste, faisant jusqu’à 4 mètres de hauteur. Cette espèce est dioïque, c’est-à-dire que les fleurs mâles et les fleurs femelles sont portées par des plants distincts. Il faut donc planter quelques spécimens femelles avec un ou deux mâles ensemble pour obtenir des fruits. Au début de l’automne, les plants femelles produisent d’innombrables petits fruits orange disposés en masses compactes sur les branches. Ils comptent parmi les plus nutritifs et vitaminés de tout le règne végétal.
Les fruits de l’argousier sont particulièrement riches en vitamines A, B1, B2, C, E, F, K et P, en protéines ainsi qu’en acides gras saturés et insaturés. Ils recèlent entre autres un taux de vitamine C trente fois supérieur à celui de l’orange ! Toutefois, les fruits de l’argousier sont très acidulés et certaines personnes préfèrent les additionner d’un peu de sucre avant de les consommer. On peut aussi en faire d’excellentes gelées et confitures.
Puisqu’il s’adapte à tous les types de sols, incluant les terres argileuses, qu’il résiste bien à la sècheresse et que ses racines fixent l’azote atmosphérique, l’argousier nécessite très peu de soins. De plus, il est extrêmement robuste et résistant puisqu’il a la capacité de supporter des températures allant de – 43 °C à un peu plus de 40 °C !
En plus de présenter un joli feuillage panaché de blanc et de rose, le kiwi arctique est une plante grimpante atteignant près de 5 mètres de hauteur qui produit des fruits comestibles. Riche en vitamine C, le fruit du kiwi arctique ressemble un peu à celui du kiwi typique, mais il est cependant plus petit – du format d’un gros raisin –, sa pelure lisse et sans poils est comestible et son goût est plus sucré. La production du kiwi arctique débute habituellement quatre à cinq années après la plantation, à condition toutefois de planter un plant mâle et un plant femelle l’un à proximité de l’autre !
En effet, les fleurs femelles – qui produiront des fruits – sont portées par des plants distincts des fleurs mâles. Ainsi, ‘Pascha’ est une variété mâle et ‘September Sun’ est un cultivar femelle de kiwi arctique qui offre une bonne production. Il faut aussi savoir que les fleurs des kiwis, qui éclosent habituellement en mai, peuvent être affectées par les gels tardifs ce qui empêche ainsi la production de fruits. Par contre, le plant lui-même est très robuste et peut supporter les hivers qui sévissent jusqu’en zone 3b. Le kiwi arctique gagne à être planté au plein soleil ou à la mi-ombre, dans un sol riche en compost, frais et bien drainé. D’autre part, il est recommandé d’épandre chaque printemps du compost à la base des plants ainsi que quelques poignées d’un engrais naturel à dégagement lent riche en azote et potassium (formulation se rapprochant de 5-3-8).
Aussi nommé lyciet de Barbarie, le goji est un arbuste indigène d’Asie très réputé pour ses fruits rouge vermillon aux multiples propriétés médicinales. Utilisé en Asie depuis plus de trois millénaires, le fruit du bonheur ou de la jeunesse éternelle comme l’appelle les chinois, peut être cultivé sous notre climat nordique puisqu’il est parfaitement rustique jusqu’en zone 3. Les cultivars de goji ‘Dynamite’ et ‘Firecracker’ disponibles dans certaines jardineries et pépinières sont certainement les plus populaires. Ce gros arbuste aux longues tiges arquées doit idéalement être planté dans une terre riche en humus, meuble, fraîche et bien drainée.
Le camerisier – certains mettent un accent aigu sur le e de camérisier – est encore peu connu des jardiniers amateurs. Pourtant, il se cultive facilement, il est très productif et particulièrement rustique. Figurez-vous que cet arbuste peut survivre à une température hivernale de – 45 °C et que ses fleurs supportent un gel de – 7 °C !
Le camerisier produit des petites baies de couleur bleue violacée comme le bleuet, mais dont la forme est plutôt allongée et cylindrique. Riches en vitamine C et en antioxydants, les camerises possèdent une saveur qui rappelle à la fois celles du bleuet et de la framboise. On peut les utiliser à toutes sortes de fins : consommation fraîche, confitures, tartes, smoothies, yogourts, crèmes glacées, sorbets, vins, etc. Autre caractéristique fort intéressante, la camerise est l’un des premiers petits fruits qu’on puisse cueillir puisqu’elle arrive à maturité en juin, au même moment que les fraises.
Vigoureux et robuste, le camerisier est un arbuste très peu exigeant, faisant entre 1,2 et 1,8 mètre de hauteur, qui peut être facilement cultivé en pleine terre comme en contenant. Il s’adapte à divers types de sols, sablonneux ou argileux, en autant que ceux-ci soient amendés de compost, demeurent frais et parfaitement bien drainés. Avec un minimum de six heures d’ensoleillement, le camerisier donnera dès la première année une excellente production de petits fruits savoureux, allant parfois jusqu’à plus de 3 kilos par plant après quelques années de culture seulement.
Le camerisier est résolument une plante de climat nordique qui exige un hiver froid. Il préfère également un été relativement frais. Durant une canicule estivale, cet arbuste aura tendance à entrer en dormance prématurément. Dans ce cas, ses feuilles jaunissent et brunissent ce qui peut faire croire qu’il manque d’eau ou souffre d’une maladie quelconque, alors que c’est tout simplement sa façon de réagir à la chaleur. Le camerisier convient ainsi parfaitement bien aux climats frais de l’Abitibi, des Laurentides, de Charlevoix, du Bas-du-Fleuve, de Gaspésie et du Saguenay-Lac-St-Jean. Si votre jardin est situé dans la région de Montréal, assurez-vous de planter cet arbuste dans un endroit faisant face à l’est, où il ne sera pas trop touché par les rayons du soleil de milieu d’après-midi.
La plupart des experts s’entendent sur le fait que les cultivars issus du programme de l’Université de la Saskatchewan, tels que ‘Aurora’, ‘Borealis’, ‘Indigo Gem’, ‘Indigo Treat’, ‘Indigo Yum’ et ‘Tundra’ sont les plus productifs et ont meilleur goût que la plupart des autres variétés. Deux des cultivars les plus récemment issus de ce programme, ‘Boreal Blizzard’ et ‘Boreal Beauty’, arborent des fruits plus gros et abondants que les cultivars plus anciens. Comme les camerisiers ne sont pas autofertiles, il est nécessaire de cultiver diverses variétés les unes à proximité des autres. Les cultivars ‘Aurora’, ‘Berry Blue’, ‘Borealis’, ‘Honey Bee’ et ‘Indigo Gem’ sont tout à fait compatibles.
Le sureau du Canada est un arbuste qui croît à l’état indigène en Amérique du Nord. En juin, il produit de grandes inflorescences de couleur blanc crème qui se transforment ensuite en petits fruits noir pourpré. Comestibles à condition d’être bien mûrs et parfaitement cuits, les fruits du sureau du Canada font d’excellentes confitures et gelées.
Les peuples des Premières Nations accordaient plusieurs vertus médicinales au sureau. Certaines tribus buvaient des infusions de baies de sureau afin de lutter contre les rhumatismes, d’autres en faisaient un vin aux propriétés tonifiantes. Encore aujourd’hui, certains herboristes concoctent un excellent sirop antigrippal à partir des fruits de sureau. Cet arbuste intéresse même les sorciers, puisqu’il semble que la baguette magique de Harry Pother soit faite d’une branche de sureau !
Ce gros arbuste atteint à maturité près de 3 mètres de hauteur sur presque autant en largeur. Bien que le sureau du Canada soit imposant, on peut le cultiver aisément en pot puisqu’il est peu exigeant et très rustique – jusqu’en zone 4. Toutefois, lorsqu’on le cultive en contenant, il atteint habituellement des dimensions plus restreintes. Planté dans un pot en textile de grande dimension, rempli d’un terreau riche en compost, au plein soleil ou à l’ombre légère, le sureau du Canada donnera d’excellentes récoltes.
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